Max Jacob, le cubisme fantasque
Exposition du 29 juin au 1er décembre 2024
Premier soutien de Pablo Picasso
Très tôt animé par l’envie de vouer sa vie à l’art, Max Jacob délaisse ses études de droit pour se consacrer à la critique d’art au sein du journal Le Sourire d’Alphonse Allais où il étudie notamment les travaux du peintre belge James Ensor.
En juin 1901, il visite la première exposition consacrée à Pablo Picasso, jeune artiste encore méconnu, dans la galerie d’Ambroise Vollard. Max Jacob est ébloui par les œuvres qu’il découvre et ne tarde pas à rencontrer le peintre espagnol. Ce moment marque le début d’une longue amitié dont attestent plusieurs portraits réalisés par Max Jacob présentés dans l’exposition, à l’image de Picasso, place Pigalle (vers 1900-1905, Petit Palais, Genève) ou Picasso, 13 rue Ravignan (1903, collection privée). Le musée d’art moderne de Céret accueille également la Nature morte au pichet sur le fond de chapeau de Max Jacob (1906, Musée national Picasso-Paris), témoignagne exceptionnel de leur amitié, mais aussi rare nature morte de Pablo Picasso réalisée en 1906 conservée dans les collections publiques françaises. La complicité qu’ils partagent leur permet de se soutenir mutuellement. Max Jacob accueille Pablo Picasso dans sa chambre du boulevard Voltaire et joue les intermédiaires pour vendre les œuvres de son ami, en même temps qu’il est employé de commerce. Inversement, le peintre encourage Max Jacob à écrire : « Tu es poète ! Vis en poète ! ». Ce dernier partage dès lors le cercle artistique et la misère de son ami espagnol, qui s’installe bientôt dans un immeuble de Montmartre, surnommé le Bateau- Lavoir par Max Jacob. Par l’intermédiaire de Pablo Picasso, le poète rencontre un grand nombre d’artistes tels que Georges Braque, Juan Gris ou encore Manolo, avec lequel il nourrit également une profonde amitié visible à travers une série de portraits réciproques présentée dans l’exposition.
Un personnage paradoxal et complexe
Max Jacob, qui est issu de l’une des rares familles juives de Quimper, montre dès sa jeunesse un intérêt prononcé pour la Kabbale – tradition ésotérique du judaïsme – qu’il nourrit par d’importantes recherches à la Bibliothèque nationale de France.
Parallèlement, le poète s’adonne aux pratiques ésotériques, de la chiromancie à la numérologie en passant par l’astrologie – dont il fait bénéficier ses amis artistes. Le musée d’art moderne de Céret présente deux exceptionnelles études chiromantiques dessinées par Pablo Picasso représentant les lignes de sa main, entourées d’interprétation de Max Jacob (1902, Musée Picasso, Barcelone). L’exposition dévoile également, pour la première fois, un ensemble de pièces astrologiques de l’artiste intitulé « Astrologie » contenant des documents inédits tels que des horoscopes, interprétations, tables numérologiques et dessins. Si la dimension ésotérique revêt un caractère prépondérant chez le poète, elle se heurte néanmoins à ses convictions religieuses. En 1909 rue Ravignan et en 1914 lors d’une séance de cinéma, Max Jacob a une vision du Christ qui le conduit à se convertir au catholicisme en 1915. Il choisit Pablo Picasso comme parrain et produit tout au long de sa vie d’importantes compositions religieuses telles que La Visitation ou L’Adoration des mages prêtéesparlemuséedes Beaux-Arts de Quimper.
Max Jacob, Paysage de Céret, [1910], encre et aquarelle sur papier, 21 x 27 cm,
Musée d’art moderne de Céret, achat avec la participation du FRAM LR
© Adagp, Paris, 2024. Crédit photo : Musée d’art moderne de Céret/Nicolas Giganto
Témoin et acteur de l’éclosion du cubisme
Max Jacob est le témoin privilégié de la naissance du cubisme en 1907. Il est notamment présent lorsque, pour la première fois d’après ses écrits, Pablo Picasso découvre l’art « extra- occidental ». Le poète assiste parmi les premiers aux essais cubistes du peintre qui donneront lieu aux Demoiselles d’Avignon. La proximité entre les deux artistes durant cette période charnière conduit Picasso à emprunter le visage de Max Jacob pour la représentation du marin – personnage par la suite disparu du tableau. Parallèlement, l’œuvre littéraire de ce dernier entretient des liens étroits avec le cubisme. Saint Matorel, publié en 1911 et illustré par Pablo Picasso, est aujourd’hui considéré comme le premier livre d’artiste cubiste.
Max Jacob écrit également plusieurs poèmes en prose à consonance cubiste publiés dans Le Cornet à dés en 1917. L’exposition réunit les principaux chefs-d’œuvre littéraires de Max Jacob dans leurs éditions originales, illustrés par Pablo Picasso, André Derain et Juan Gris. Elle présente également plusieurs dessins de Max Jacob correspondant à ses premières expérimentations cubistes, pour certaines ironiquement intitulées Je m’essayais au cubisme. Ils constituent les fondements d’une recherche qui trouve son point d’orgue à Céret en 1913.
Le séjour à Céret en 1913
Max Jacob rejoint Pablo Picasso et sa compagne Eva Gouel au mois d’avril 1913 à Céret, « jolie petite ville » où « il paraît que les montagnes embaument le thym, la rosée, la lavande et le romarin » écrit Max Jacob à Guillaume Apollinaire. Ensemble, Pablo Picasso et Max Jacob vivent un moment de plénitude et font preuve d’une créativité prolifique. Le troisième séjour de Pablo Picasso à Céret correspond à une période d’intenses explorations formelles autourdes papiers collés. Max Jacob, poursa part, découvre les paysages de Céret qu’il représente dans de nombreuses gouaches. Si certaines d’entre elles restent fidèles à ce qu’il observe, d’autres révèlent une ascendance cubiste. La végétation et l’architecture se muent en formes géométriques, les maisons deviennent des cubes tandis que les chemins et ruelles se transforment en lignes anguleuses. Si l’artiste est au cœur de la naissance du cubisme, son séjour à Céret et en Espagne le marque profondément. « Tout est à angle droit dans cette patrie du cubisme, écrit-il à Jean-Richard Bloch, les maisons de hauteurs inégales et sans toits, les devantures des boutiques qui sont plus hautes que larges, […] les aloès des routes, les palmiers des avenues, les oliviers tordus des champs […] ». Avec Pablo Picasso et Eva Gouel, Max Jacob se rend à Figueres puis Gérone, où il participe à des fêtes populaires qui lui inspire le poème « Honneur de la sardane et de la tenora » en souvenir de son voyage. L’exposition présente un ensemble exceptionnel d’œuvres de Max Jacob réalisées à Céret qui mettent en lumière le caractère pluriforme de son œuvre et sa participation plastique à l’aventure cubiste. Elles dialoguent avec celles de ses contemporains y ayant eux aussi séjourné en 1913, tel que Manolo, Moïse Kisling, Juan Gris, ou encore Auguste Herbin, dont les productions révèlent elles aussi une progression vers le cubisme.
La fascination pour les arts de la scène
Les représentations de théâtre, d’opéra ou de ballet sont un véritable fil conducteur dans la vie de Max Jacob. Il se lie à des musiciens comme Erik Satie ou Francis Poulenc qui mettent en musique ses poèmes et écrit un livret d’opéra pour Arthur Honegger, ainsi que des pièces pour Pierre Bertin. Il collabore avec les compositeurs Henri Sauguet, Nicolas Nabokov, ou encore Vittorio Rieti, mais aussi avec Guillaume Apollinaire et Serge Férat sur le projet des Mamelles de Tirésias, dont il dirige les chœurs. Max Jacob fréquente assidûment le monde du spectacle, notamment en compagnie de Pablo Picasso qu’il s’amuse à représenter en acrobate (1905, collection particulière). Inversement, le poète aurait prêté ses traits pour Le Fou de Pablo Picasso (1905, fondation Gianadda, Martigny).
Ce chef-d’œuvre de la sculpture du XXe siècle est initié un soir après s’être rendus ensemble au cirque Medrano. Fasciné par l’univers circassien, Max Jacob réalise de nombreux dessins et gouaches où clowns, danseuses et trapézistes sont saisis en pleines représentations. Le musée d’art moderne de Céret présente un vaste panorama d’œuvres liées aux arts de la scène parmi lesquelles Medrano : Acrobate et Danseuse (1909, musée des Beaux-Arts, Quimper) et Au Cirque (1912, Petit Palais, Genève), plus grande huile sur toile connue de Max Jacob.
Au cœur de la galaxie cubiste
Personnalité aussi fantasque que sensible, Max Jacob évolue au cœur d’un vaste réseau relationnel et se lie à de nombreux artistes d’avant-garde. Il entretient avec eux une amitié sincère, comme en témoigne par exemple le portrait dessiné de Max Jacob par Amedeo Modigliani (1915, collection particulière). Les deux amis sont immortalisés par Jean Cocteau en 1916, lors d’une journée passée en compagnie de Pablo Picasso, Manuel Ortiz de Zárate ou encore Moïse Kisling. Max Jacob se lie également avec Alice Halicka et Louis Marcoussis, la baronne d’Oettingen ou encore Marie Vassilieff, avec laquelle il organise un banquet dédié à Georges Braque en janvier 1917.
Le musée d’art moderne de Céret présente des œuvres majeures de ces artistes qui explorent chacun à leur manière les codes du cubisme. Max Jacob est, à plusieurs reprises, le modèle de ces explorations. Ainsi en est-il de l’énigmatique Portrait de Max Jacob par Marie Laurencin (1908, Musée des Beaux-arts d’Orléans), du Portrait cubiste de Max Jacob par Celso Lagar (collection particulière) ou encore du Portrait de Max Jacob par Jean Metzinger (1913, collection particulière) encore jamais présenté dans un musée en France.
À propos de Max Jacob
Né à Quimper en 1876, Max Jacob est un poète, peintre et l’une des figures emblématiques de l’avant- garde parisienne de la première moitié du XXe siècle. Établi dans la capitale à partir de 1898, il devient critique d’art tout en suivant des cours à l’Académie Julian avant d’occuper divers emplois. En juin 1901, il fait la rencontre décisive de Pablo Picasso qui l’encourage à se consacrer pleinement à la poésie.
Il se lie avec les principaux acteurs de la modernité picturale et littéraire, parmi lesquels Georges Braque, Juan Gris, Amedeo Modigliani, Marie Laurencin, Jean Metzinger, Guillaume Apollinaire, Jean Cocteau ou encore André Salmon. Sa proximité avec les artistes en fait un témoin privilégié de la naissance du cubisme que lui-même explore, dans ses œuvres réalisées à Céret en 1913 aux côtés de Pablo Picasso et d’Eva Gouel, ainsi qu’à travers un style littéraire audacieux et caustique.
Son ouvrage Saint Matorel, illustré par le peintre espagnol en 1911 et considéré comme le premier livre d’artiste cubiste, offre une structure narrative fragmentée inédite. Max Jacob collabore également avec André Derain en 1912 puis Juan Gris en 1921. Il publie parallèlement des recueils de poèmes de référence tel que Le Cornet à dés en 1917, son œuvre phare, ou encore Le Laboratoire central en 1921, qui assoient son approche novatrice de la poésie empreinte d’humour et de spiritualité.
Sa vie comme son œuvre, marqués par l’influence du cubisme, des arts du spectacle, de la religion et de l’astrologie, en font un personnage central aux multiples facettes. Enchanteur des soirées parisiennes au caractère fantasque, Max Jacob est aussi un esprit érudit dont la créativité prolifique révèle une profonde quête de sens. Il meurt le 5 mars 1944, déporté au camp de Drancy.
Manolo Mylonas - Musée d'art moderne de Céret
Le Musée d’art moderne de Céret
Le musée d’art moderne de Céret témoigne de l’histoire artistique exceptionnelle de la ville depuis le début du XXe siècle. Dans les pas de Braque et de Picasso, qui firent de Céret « la Mecque du cubisme », des figures essentielles de l’art moderne y ont séjourné : Gris, Masson, Soutine, Chagall… L’aventure se poursuit à l’époque contemporaine, avec Tàpies, Viallat, Pincemin, Bioulès...
Créé en 1950, le musée bénéficie aujourd’hui d’une architecture remarquable. Le bâtiment de l’architecte Jaume Freixa (à qui l’on doit notamment la Fondation Miró de Barcelone), construit en 1993, s’est agrandi d’une nouvelle aile contemporaine construite par Pierre-Louis Faloci (Grand Prix d’architecture 2018), inaugurée en mars 2022. La collection moderne et contemporaine permet d’apprécier la place mythique de Céret dans l’histoire de l’art. De nouveaux espaces sont destinés aux expositions temporaires, dédiées en alternance à l’art moderne et contemporain.
Le musée d’art moderne de Céret est un établissement public de coopération culturelle, porté par la Ville de Céret, le Département des Pyrénées-Orientales et la Région Occitanie / Pyrénées- Méditerranée. Musée de France, il est soutenu par l’État au titre de ses actions et de ses expositions.
Le musée d’art moderne de Céret est régi par un conseil d’administration composé de ses trois autorités de tutelle, présidé par Hermeline Malherbe, Présidente du Département des Pyrénées- Orientales et Michel Coste, Vice-Président, Maire de Céret. Il compte des représentants des collectivités territoriales membres, deux représentants du personnel et une personnalité qualifiée.
Manolo Mylonas - Musée d'art moderne de Céret
Informations pratiques
Musée d’art moderne de Céret
8, boulevard Maréchal Joffre 66400 Céret
04 68 87 27 76
contact@musee-ceret.com
www.musee-ceret.com
Horaires
Septembre à juin : ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Juillet – août : ouvert tous les jours de 10h à 19h.
Tarifs
Plein tarif : 10 euros Tarif réduit : 7 euros
Gratuité : voir les conditions sur le site internet Billets valables toute la journée